Mon père qui n'a jamais eu peur de rien ni de personne dans sa vie, avait décidé un jour d'été… de nous emmener à bord de son canot de pêche, pour surprendre la famille de ma mère jusqu'aux plages de Guyotville, à plus de quarante kilomètres de Verte-Rive où nous avions notre maison de vacances.
Ce dimanche matin, la mer était calme, et aucune perturbation n'était annoncée pour la suite de la journée. Mon père avait l'habitude de la navigation dans cette baie qu'il connaissait depuis l'enfance, et le bateau en bois d'acajou aussi beau que fiable avait été construit par mon oncle Jean Lonzarich, un talentueux charpentier de marine apprécié et reconnu.
Après un départ euphorique et joyeux, mon père à la barre… ma mère, mon frère et moi installés au centre du bateau, la houle avait soudainement commencé à grossir à l'approche des côtes d'Alger, et des vagues de trois mètres de haut balançaient l'embarcation qui semblait de plus en plus petite à côté d'un navire qui croisait près de nous. Bien sûr nous étions bon nageurs, mais totalement apeurés et figés par cette épisode inattendu. Mon père qui se sentait un peu responsable se faisait discret et ma mère beaucoup moins...
À la suite d'une vingtaine de minutes interminables… et aussitôt après avoir contourné les rochers de la Pointe-Pescade, la navigation vers Guyotville s'était faite de plus en plus calme et notre euphorie revenait à bord du bateau…
Le voyage avait continué le long de la côte jusqu'à La Madrague "le Saint Tropez algérois" et nous étions enfin arrivés sur une immense plage de sable blond, sauvage et déserte, ceinturée par de larges dunes, où ma famille avait l'habitude de passer de belles journées.
Notre arrivée surprise à l'heure du repas devant la plage avait reçu un accueil triomphant… et nous nous sentions comme de grands aventuriers qui venaient d'accomplir un exploit…
Une grande bâche qui servait de tente était dressée comme toujours au bord de l'eau, et sur des tréteaux, s'étalaient des salades, des pizzas et toute sorte de nourritures généreuses et appétissantes…
La suite de cette traversée mémorable s'était poursuivie dans le calme et la beauté de cette journée ensoleillée... à nous baigner et à marcher longtemps sur la plage les pieds dans l'eau.
Le soir venu, nous avions décidé de ne pas renouveler l'aventure pour le retour, et nous sommes rentrés sagement en voiture, raccompagnés par la famille guyotvilloise, le bateau suivant sur une remorque.
"Le bonheur des français dAlgérie passait toujours par la mer… qui n'en finissait pas de nous aimer et de nous enfanter."