Chaque hiver... quand le Mistral fait sa vedette dans le couloir rhodanien
et qu'il arrive à peine essoufflé sur le golfe de Méditerranée...
mon coeur se remplit de souvenirs et de regrets...
Où est-elle la plage calme et désertée de mon enfance au nord de l'Afrique ?
Emane-t-elle ses effluves d'iode enivrantes jusqu'aux dunes dorées
qui abritaient les charmants scarabées...
Qui aujourd'hui a la chance de regarder au loin... derrière les vagues tièdes
et bleues les mirages de mon enfance...
ceux qui emplissaient mon coeur de rêves inaccessibles et perdus à jamais...
Nous ne comprenons vraiment le miracle de la Vie que lorsque nous laissons arriver l'inattendu.
Chaque jour, Dieu nous donne, avec le soleil, un moment où il est possible de changer tout ce qui nous rend malheureux.
Chaque jour, nous feignons de ne pas nous rendre compte que ce moment existe, nous faisons semblant de croire qu'aujourd'hui est semblable à demain.
Mais l'être qui fait attention au jour qu'il est en train de vivre découvre l'instant magique. Celui-ci peut être caché dans la minute où, le matin, nous mettons la clé dans la serrure, dans l'intervalle de silence qui suit le repas, dans les mille et une chose qui nous paraissent toutes semblables.
Mais cet instant existe, un instant ou toute la force des étoiles passe par nous et nous permet d'accomplir des miracles.
"La Rivière Piedra" de Paulo Coelho
La liberté, c'est la possibilité de s'isoler. Tu es libre si tu peux t'éloigner des hommes et rien ne t'oblige, à les rechercher, ni le besoin d'argent, ni l'instinct grégaire, l'amour, la gloire ou la curiosité, toutes choses qui ne peuvent trouver d'aliment dans la solitude et le silence. S'il t'est impossible de vivre seul, c'est que tu es né esclave. Tu peux bien posséder toutes les grandeurs de l'âme ou de l'esprit : tu es un esclave noble, ou un valet intelligent, mais tu n'es pas libre. Et ce n'est pas toi qui es concerné par cette tragédie, parce que la tragédie d'être né ainsi ne te concerne pas, toi, mais seulement le Destin confronté à lui-même. Malheur à toi, cependant, si c'est le poids de la vie qui te contraint à être esclave. Malheur à toi si, né pour être libre, capable de te suffire à toi-même, et de te séparer des hommes, la pauvreté t'oblige à vivre parmi eux. La voilà alors, ta tragédie, celle que tu emportes partout avec toi.
Naître libre est la grandeur suprême de l'homme ; elle rend un humble ermite supérieur aux rois, et même aux dieux qui se suffisent à eux-mêmes par la force, mais non par leur mépris pour elle.
Fernando Pessoa "Le livre de l'Intranquillité"
Mon isolement m'a façonné à son image et à sa ressemblance. La présence d'une autre personne - même d'une seule - entrave aussitôt ma pensée et, tandis que pour un homme normal le contact avec autrui est un stimulant pour son expression et son discours, ce contact, chez moi, est un antistimulant - si toutefois ce mot forgé de toutes pièces est jugé recevable par la langue. Je suis tout à fait capable, en tête en tête avec moi-même, d'imaginer d'innombrables traits d'esprit, de promptes réparties à des phrases que personne n'a prononcées, fulgurations d'une sociabilité intelligente sans personne à la ronde ; mais tout cela s'évanouit dès que je me trouve en présence d'une personne physique ; je perds toute intelligence, je ne peux plus dire un mot et, en moins d'une petite heure, je tombe de sommeil. Oui, parler avec les gens me donne envie de dormir. Seuls mes amis imaginaires, appartenant à un monde spectral, seuls les entretiens se déroulant en rêve possèdent pour moi une réalité véritable et un juste relief, et l'esprit se trouve aussi présent en eux qu'une image dans un miroir.
Je répugne d'ailleurs à la seule idée de me voir contraint au contact avec d'autres gens. Une simple invitation à dîner avec un ami me cause une angoisse difficile à définir. L'idée d'une obligation sociale, quelle qu'elle soit - aller à un enterrement, traiter avec quelqu'un d'un problème du bureau, attendre à la gare une personne quelconque, connue ou inconnue -, cette seule idée me gâche les pensées de toute une journée (et parfois même de la veille), je dors mal, et la chose réelle, quand elle se produit, se révèle totalement insignifiante, ne justifie en rien mon appréhension, mais la même histoire se répète sans cesse, et je n'apprends jamais à apprendre.
« Mes mœurs sont celles de la solitude, et non point des hommes » ; je ne sais qui a dit cela, Rousseau ou Senancour. Mais c'est un esprit du même genre que le mien - à défaut, peut-être, d'être de la même race.
Fernando Pessoa " Le Livre De L'Intranquillité"
Mon coeur est en fête quand je ne suis pas obligée de sortir de chez moi… que personne ne m'attend nul part, et que je me tiens éloignée de toute les clameurs et l'agitation des hommes…
Quel bonheur et quel luxe d'éviter ces repas interminables avec des personnes que je n'ai pas choisi… qui ne pensent pas comme moi... et qui ne mangent pas comme moi.
Quelle merveille de fêter la naissance "du Nazaréen" dans cette exceptionnelle douceur le l'air… et dans le silence d'un jardin éclairé par le reflet de la lune !…
Quelle belle nuit… quelle douce nuit !...